En avril 1946, sous la houlette d\’une élue de Paris, Marthe Richard, la Loi sur la fermeture des maisons closes est votée. Selon elle, les maisons closes légalisaient un véritable esclavage des femmes et engraissaient des proxénètes qui ont largement collaboré avec l’occupant allemand. Pourtant la même Marthe Richard a réclamé publiquement la réouverture des maisons closes au début des années 1970 en constatant la dégradation considérable des conditions de travail de leurs anciennes pensionnaires. Les maisons n’ont pas été ré-ouvertes. Les prostituées ont poursuivi leur commerce millénaire.
Mais depuis le 13 Avril 2016, le fait de solliciter, d\’accepter ou d\’obtenir des relations sexuelles avec une personne se livrant à la prostitution en échange d\’une rémunération, d\’une promesse de rémunération, de la fourniture d\’un avantage en nature ou de la promesse d\’un tel avantage est désormais puni d\’une amende de 1 500 €. En cas de récidive, cette amende est portée à 3 750 €. Si la personne prostituée est mineure ou présente une particulière vulnérabilité, apparente ou connue de son auteur, due à une maladie, à une infirmité, à un handicap ou à un état de grossesse, le contrevenant encourt une peine de 3 ans d\’emprisonnement et de 45 000 € d\’amende. Bref ça rigole pas !
Nous n’avions déjà plus le droit de fumer en public, de boire même si l’on ne conduit pas, d’ouvrir des débits de boisson si l’on a été condamné pour trafic de stupéfiants, de critiquer les minorités, de refuser de siéger dans un jury d’assises, de rouler sans ceinture de sécurité, d’user de stupéfiants, et bien d’autres choses encore, mais à présent nous n’ont plus le droit d’aller nous « faire jouer de la clarinette à moustaches » comme l’écrivait le regretté Fréderic Dard pour nous consoler des interdictions susdites !
Alors bien sûr il est toujours possible de dire que les tentatives d’éradication de la prostitution, que ça soit en s’attaquant à l’offre ou en pénalisant la demande, auront le même effet que celles qui ont eu pour ambition de supprimer l’alcool ou de marginaliser la religion. On n’a jamais semble-t-il construit de société sans prostituées. C’est un fait objectif.
Faut-il refaire le manifeste des 343 salopes, rédigé par Simone de Beauvoir, qui selon le titre paru le 5 avril 1971 dans le Nouvel Observateur, était « la liste des 343 Françaises qui ont le courage de signer le manifeste “Je me suis fait avorter” », s\’exposant ainsi à des poursuites pénales, et faire signer à la cohorte des personnalités masculines adeptes des plaisirs tarifés un nouveau manifeste qui pourrait alors être rédigé par DSK ?
On reste toutefois dans une discussion de café de commerce en s’arrêtant à cette constatation.
Si l’on essaie de chercher le sens de la Loi, son esprit dirait Montesquieu, il faut noter que la pénalisation des clients sans pénalisation des prostituées revient à légaliser le cannabis en criminalisant son usage… étrange non ?
Dans le même ordre d‘idée, laisser les prostituées continuer à exercer leur profession sans leur donner d’autre obligation que celle de se déclarer à l’URSSAF (au moins l’état mange un peu de pain de fesses …) laisse de côté les proxénètes de tous ordres et trafiquants de chair fraiche qui constituent en France une délinquance non négligeable, alors que les pays européens qui fourmillent de bordels les ont transformés en petits commerçants de base à défaut de les supprimer.
Souhaitons-nous vraiment éradiquer la prostitution, ou voulons nous simplement augmenter les recettes de l’état en transformant un comportement humain millénaire en délit pénal, sachant que personne de changera ses habitudes, les prostituées souhaitant continuer à travailler, et leurs clients à continuer à les fréquenter.
D’ailleurs les principaux intéressés n’en veulent pas de cette Loi, n’en doutons pas !
Alors pourquoi ?
Mes professeurs à l’Université m’enseignaient que le Droit est l’ensemble des règles qui régissent la vie de l’homme en société, et que le Législateur qui fait la Loi peut légiférer sous la pression de l’opinion – rappelons la Loi légalisant l’avortement intervenue alors que l’immense majorité des Français la réclamaient, soutenus par une brochette de personnalités – ou à l’inverse, être moteur de la société en imposant des réformes – l’exemple typique étant l’abolition de la peine de mort intervenue alors que la majorité de l’opinion était farouchement pour son maintien.
Ici, nul débat de société. Il faudrait chercher loin sur le net pour savoir quelle est l’opinion des gens sur cette question.
Juste une petite Loi de circonstance dont la Gauche a le secret.
Elle se sert à rien, n’est réclamée par personne et ne changera pas la face du monde. Mais pendant ce temps, les mouvements terroristes feront sauter cette année un aéroport ou un hypermarché, le trafic de cocaïne n’a jamais été aussi florissant et la délinquance financière qui domine le monde reste intouchable.