L\’affaire Sauvage replace le droit de grâce du Président de la République sous les feux de l’actualité. En application de l\’article 17 de la Constitution, le Chef de l\’Etat à en effet « le droit de faire grâce à titre individuel », ce qu’il a fait le Dimanche 31 janvier 2016, en accordant une remise gracieuse de peine à Jacqueline Sauvage dans un climat de consensus quasi unanime.
A l’instar de toutes les personnes qui écrivent sur cette affaire, je n’en connais que des bribes et ne sais que trop que c’est parfois le détail d’un témoignage, l’éclat d’un simple regard, une réminiscence dans l’esprit d’un juré qui font les verdicts, mais oui, c’était lourdement jugé.
J’ai tellement pleuré en entendant des verdicts de plomb ou des sentences trop légères, tellement désiré que cela se soit passé autrement, tellement ragé contre l’impassibilité de la Justice….
Je n\’oublie pas non plus que ce procès était celui de toutes les femmes (et enfants) violentés et qui ne trouvent pas assez de protection dans notre société patriarcale…
Mais j’aime aussi tellement voir se dérouler devant moi le mécanisme impeccable de la procédure pénale organisant la recherche de la vérité, d’auditions en commissions rogatoires, d’expertises en confrontations, jusqu’à cette minute où l’on se dit que les règles ont été respectées et qu’un procès équitable vient de se dérouler sous nos yeux.
Un procès équitable rendu par une justice impartiale et indépendante.
Cette indépendance heurte fondamentalement l’idée de la grâce, d’où qu’elle vienne.
Oui, il y avait des « circonstances exceptionnelles » dans ce dossier qui inclinaient pour une telle décision.
Cela doit il suffire à nous faire applaudir des deux mains ? Non et pour deux raisons au moins :
En premier lieu, rappelons qu’en droit français, la grâce présidentielle s\’apparente à une suppression ou à une réduction de la sanction pénale. La condamnation reste inscrite au casier judiciaire et diffère ainsi de l\’amnistie, qui est étymologiquement un « oubli ». Ce pouvoir de suspendre ou de modérer les peines associées à une décision de justice en dernier ressors appartenait sous l\’Ancien Régime aux Rois de France.
Sous l’Ancien Régime, la Justice était rendue au nom du Roi, lequel tirait sa légitimité de Dieu. Ainsi, il apparaissait normal que celui au nom de qui la Justice était rendue, et qui tirait lui-même ses prérogatives d’une puissance encore plus supérieure puisse avoir en quelque sorte le « dernier mot »
Le système avait une logique propre.
Aujourd’hui, rien de tout cela n’existe et la Justice est rendue au nom du Peuple Français, peuple qui élit par ailleurs le Président de la République.
Ainsi, le Chef de l’Etat se trouve positionné en tant qu’institution au même niveau que la Justice.
Comment dès lors comprendre la survivance de cette paléontologie institutionnelle qu’est le droit de grâce consistant à permettre à un quidam –fusse-t-il président – à interférer sur une sanction prononcée par un Tribunal indépendant ?
En second lieu, la grâce est donc le droit d\’annuler ou de modifier une peine. Elle s’apparente à un « pardon ».
Il ne faut pas la confondre avec l’amnistie, qui efface totalement et à jamais la condamnation et qui entraîne « l\’oubli » de la peine.