Aucun Avocat pénaliste ne me contredira : tous nos clients sont innocents des crimes dont on les accuse, et même, au meilleur des cas, victimes de violences policières… Avouons-le pourtant, la police nationale n’est pas constituée que de tortionnaires et bien souvent, les violences font florès et l’innocent est comblé de n’avoir écopé que de 18 mois de prison pour les faits qu’il était censé n’avoir pas commis…
C’est dire la jubilation qui est la notre lorsque l’on tombe sur un véritable dysfonctionnement des rouages policiers, de ce genre d’affaire ou l’on peut invoquer les grands principes qui fondent notre procédure pénale moderne ; les Avocats sont des grands enfants !
Mais là, c’est comment dire, presque too much !
Brahim (oui bien sûr s’il se nommait Pierre il n’y aurait pas d’affaire…) marche paisiblement dans la rue lorsque quatre énergumènes sortent d’un véhicule et se précipitent sur lui. Brahim résiste bien entendu à ce qui présente tous les caractères d’un enlèvement…
De fait les quatre énergumènes constituaient un équipage de la brigade anti criminalité (la célèbre B.A.C crée par l’ineffable Charles Pasqua) et Brahim écope au final d’une plainte pour tentative de meurtre sur des officiers de police après que ceux-ci aient trouvé un couteau laguiole dans sa poche et qu’un des leurs se soit blessé à un doigt (dans des conditions qui, on le verra sont très mystérieuses !).
Brahim à beau expliquer qu’il a eu le sentiment d’être enlevé par les brigades de la mort plutôt qu’interpellé par des policiers et qu’en aucune façon il n’a pu se saisir de son couteau ni a fortiori tenté de l’utiliser, il est immédiatement placé en détention provisoire.
De leur côté les policiers expliquent avoir interpellé normalement Brahim revêtu de leur brassard police règlementaire et après avoir actionné leur sirène deux tons.
Coup de théâtre : d’une part l’analyse ADN du couteau ne met en évidence aucune trace de sang, fut il policier, mais surtout, un témoin a filmé toute la scène ce qui met à néant les allégations des policiers (merci Apple !) et confirme la version de Brahim.
Moralité : avec un dossier ou la démonstration est faite que les policiers de la B.A.C mentent comme des arracheurs de dents, et le font dans l’exercice de leurs fonctions (ce qui constitue tout de même le crime de faux en écriture publique prévu par l’article 441-4 du Code pénal, passible de la Cour d’Assises …) le Parquet n’a pas dressé une oreille et le Juge d’Instruction s’est révélé ectoplasmique puisqu’au lieu de rentre l’Ordonnance de non-lieu que la sagesse, le droit et la rigueur exigeaient, voilà Brahmi renvoyé devant le Tribunal Correctionnel pour avoir commis des violences avec un couteau dont on sait qu’il n’a pu servir, et dans des conditions dont on sait qu’elle sont bidonnées de part en part par les flics !
Nous allons donc comparaitre ce 28 Mars pour demander à un Tribunal Correctionnel d’ouvrir enfin les yeux (puisque ni le parquet ni le juge d’instruction ne l’ont fait …) sur cette pantalonnade policière, cette machination et surtout ces mensonges insupportables, au mépris de l’évidence de l’image filmée.
Un grand n’importe quoi à montrer aux élèves des écoles de polices pour qu’ils sachent ce qu’il ne faut jamais devenir ; je dis bien « devenir » et non pas « faire » car à ce stade d’incurie organisée, de tels agissements ne peuvent résulter de l’égarement d’un moment.
Il est au contraire à craindre que ces policiers, trop formés à se comporter comme les voyous qu’ils traquent, ont fini par perdre de vue tout ce qui fait que la procédure pénale française est plus équitable que beaucoup d’autres, ces idées de loyauté de la preuve, de respect des droits de la personne humaine…
Ce ne sont pas des manquements que le Tribunal aura à apprécier jeudi, mais un véritable état d’esprit, et c’est ce qui est le plus préoccupant.