HUMANS FRIENDLY

Ce matin, je reçois dans imbécile et importune cohorte des spams et autres pourriels une sollicitation ainsi rédigée :

« Bonjour,

Créé il y a un an, le réseau des avocats gay-friendly rassemble des avocats dans la France entière, dans tous les domaines du droit, avec des dominantes en droit de la famille, droit social et droit pénal

Mais nous n\’avons encore aucun avocat membre à Albi et environs, alors que nous enregistrons des demandes.

Voulez vous nous rejoindre ?

Pour plus de renseignements, répondez svp à ce mail en indiquant vos coordonnées téléphoniques.

Merci,

Cordialement »

Certes me dis-je, après toutes ces querelles, dissensions, mots d’oiseaux et dérapages divers nés à l\’occasion de l’adoption de la Loi sur le mariage « pour tous » quel homosexuel aurait envie de se retrouver à parler de problèmes conjugaux, parfois tragiques et toujours douloureux, devant un avocat ne pouvant réprimer une lueur amusée dans son regard et textotant discrètement à ses amis pendant le rendez-vous « ca y est je vais divorcer des folles » ?

Belle initiative !

Et hop à la poubelle le mail ! … Ah mais non … et si je m’inscrivais ? Ça veut dire quoi gay-friendly, juste faire preuve de tolérance et d’ouverture d’idée ou bien être pratiquant ? Et un avocat gay-friendly, ça divorce aussi des hétéros ?

Pas facile !

Puis, sur le site internet, surprise, je trouve des médecins et des notaires gays-friendly, et je me prends à penser que l’on va un jour trouver des écoles gays- friendly comme les chambres d’hôtes restaurants et campings qui existent déjà.

Bien sûr l’initiative en elle-même est louable il faut le répéter, en tant que protégeant une minorité au moment où ses membres fragilisés par des difficultés ont besoin de faire respecter leurs droits.

Bien sûr, et de toutes les façons, oui à l’initiative et à la liberté de faire.

Toutefois, le sens de ce mail sauvé par hasard d’un classement vertical va bien plus loin que cela.

Quand pourra t on s’afficher aussi avocat obèse-friendly, roux-friendly, noir–friendly, socialiste-friendly, catholique-friendly ça va faire marcher le commerce, remplacer avantageusement les spécialités en droit fiscal, social, pénal ou familial car après tout, ai-je bien tout compris, ce n’est plus la compétence qui va compter mais le fait de se retrouver face à un membre de sa communauté, la mise en valeur, l’approbation, voire la glorification de sa différence…

Insidieusement, pour les milliers de petits motifs invisibles, notre société française jadis championne de l’intégration est devenue une mosaïque courant à hue et à dia, au sein de laquelle chacun s’échine et s’évertue à opposer à autrui sa spécificité, sa différence, et sans doute sa supériorité, qu’elle résulte du sort, du destin ou de ses propres choix.

« Le communautarisme désigne les attitudes identitaires ou les revendications de minorités culturelles, religieuses, ethniques… », nous confirme le dictionnaire….

Juridiquement, historiquement et philosophiquement, ce terme est étranger à l’oreille républicaine française et ne correspond pas à la conception que nous nous faisons, collectivement, du lien social et plus largement du vivre-ensemble et je pense que l’on a énormément de mal à comprendre le phénomène, en particulier lorsque l’on compare son usage avec celui qui en est fait dans d’autres pays, les Etats-Unis en premier lieu.

Force est pourtant de le reconnaitre : La République voulue par nos aïeux n’avait pas vocation à devenir cette mosaïque de communautés qui se détestent plus ou moins discrètement et qui, au lieu de rassembler ce qui épars, s’évertue à séparer ce qui devrait être uni…

Et pendant ce temps, les étoiles vivent et meurent, des espèces vivantes disparaissent tandis que d’autres émergent alors que nous autres, êtres humains, perdons lentement mais surement dans les méandres de nos petites différences brandies comme de dérisoires drapeaux, cette altérité fondamentale des sociétés évoluées qui font que avocats ou ermites, nous ne devrions être que des « humans friendly »

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